(reed) reckless behaviour

Elle claque la porte derrière, sac sur l'épaule, sac dans lequel elle a à peine eu le temps de balancer tout ce qu'elle aurait dû. Déjà elle entend la discussion qui bat son plein dans l'appartement, ou du moins ce qu'elle préférerait être une simple discussion. Elle soupire, s'engageant dans les escaliers, puis l'air frais de la ville qui la fouette au visage lorsqu'elle sort du petit immeuble mal entretenu. C'est ça son quotidien, ces derniers temps. D'habitude, elle se contente d'attendre que Johnny aie terminé ses affaires, assise dans les escaliers, l'étage en dessous. Si elle fumait, elle s'allumerait une clope, là, déambulant dans les rues, sans savoir où elle allait passer la nuit. Elle rabat sa capuche sur ses cheveux blonds, serrant la bride de son sac à dos comme s'il risquait de disparaître, et marche plusieurs mètres, kilomètres peut-être, elle ne fait pas attention. Elle ralentit devant le Hideout, hésitant à entrer, puis continue son chemin, tête baissée. Ezra travaille, ce soir. Il n'a pas besoin d'un poids à la cheville, d'une pauvre Sierra mise à la porte par son petit-ami. Il n'a pas besoin d'elle.
Ça fait peut-être bien une demi-heure qu'elle marche, la Lune est haute dans le ciel, et Sierra a l'impression qu'elle l'observe. Alors elle lève la tête, et elle l'observe aussi, enfonçant ses poings dans ses poches. Ses doigts y trouvent un boule de papier, qu'elle sort de sa veste sans quitter des yeux la lumière argentée de la Lune. Elle le garde dans sa main, une seconde, deux, trois, puis elle baisse les yeux vers le papier froissé, qu'elle tente de déplier sans le déchirer. Il doit être là depuis des semaines, des mois peut-être, et c'est lorsqu'elle arrive à décrypter les griffonnages qu'elle s'en rend compte : il pourrit au fond de sa poche depuis huit mois. Quatre lettres, écrites en noir, suivies d'un numéro de téléphone qu'elle n'a jamais appelé. Reed. Elle sourit, se remémorant leurs quelques heures de trajet ensemble, lorsqu'il s'était arrêté devant son pouce levé, et l'avait conduite jusqu'à Appledore. Est-ce qu'elle l'en remercierait, ça reste à voir. Mais il est là, entre ses doigts, et elle se dit que c'était peut-être un signe, ou une connerie du genre. Alors elle appelle. - Salut, Reed ? C'est Sierra. Je sais-Je sais pas si tu te rappelles, tu m'as pris en stop il y a huit mois. Elle attend la réponse, en silence, espérant de tout son être qu'il se souvienne. - J'aurais besoin d'un petit service.
Elle est devant la maison, charmante, presque plus accueillante que celle de ses parents à Londres. Deux fenêtres sont éclairées, le salon sans doute, et une à l'étage, la chambre de Reed, peut-être. Elle hésite entre aller frapper, ou attendre qu'il sorte. Peut-être qu'il ne sait pas qu'elle est arrivée, peut-être qu'elle devrait l'appeler, ou peut-être qu'elle a mal compris, et qu'il voulait pas qu'elle vienne. Son cœur bat la chamade, et elle recule de deux pas, au moment où la fenêtre de l'étage s'ouvre, et qu'il passe sa tête. Comment ça, passer par la fenêtre? Elle fait les gros yeux, certaine d'avoir mal compris. Mais il n'y a aucune moyen de comprendre passer par la fenêtre autrement que par passer par la fenêtre. Alors elle avance sur la pelouse parfaitement tondue, presque accroupie en passant sous la fenêtre du rez-de-chaussée, de peur qu'on la voit. Parce que s'il ne la fait pas entrer par la porte, c'est qu'il n'y est pas autorisé. Elle appuie son pied sur la gouttière, attrapant comme elle peut l'une des pierres de la façade. Et elle grimpe. Elle est légère, petite, habile, c'est pas difficile pour elle. D'autant plus qu'elle a passé des mois à le faire, à Londres, jusqu'à ce que ses parents s'en rendent compte. Et accessoirement la foutent dehors. Elle attrapa la main tendue de Reed qui la hisse jusqu'au rebord de la fenêtre, où elle reste assise un peu avant de parler. - Salut. Elle a mal aux bras, elle observe rapidement la pièce, et reporte son attention sur le jeune homme. - Désolée, je savais pas où aller, j'ai retrouvé ton numéro dans ma poche. Du coup… Elle s'arrête là, parce que la suite paraît logique. Et puis elle saute du rebord, aussi silencieusement que possible, et vient entourer ses bras autour de la carrure plus imposante de Reed. - Merci. Trop tactile, Sierra, on le lui a souvent dit. Mais c'est pas sa faute, elle a besoin de toucher les gens pour être sûre qu'ils sont bien là. Et Reed, il est là.