i've learned the hard way to never let it get that far ▪ eden

Je dors encore dans sa chambre, malgré son absence. Encore une fois, ma mère l'a poussé à bout et se fut la goute qui fit déborder le vase. Je comprends ses raisons, plus qu'il ne le croit. Si j'avais le courage, je l'aurais suivi comme il me l'avait proposé, mais j'en étais incapable. Déjà que son départ avait été dur sur notre mère, je ne pouvais pas me permettre de partir moi aussi. Mon père, mon frère, j'étais tout ce qui lui restait. Il ne sait rien d'elle et de ce qu'elle ressent, car il n'était jamais là de toute façon. Toujours chez sa copine ou avec ses potes, il n'était pas témoin de ses crises. C'est moi qui devais tout encaisser et essayer de la réconforter. Bien que la plupart du temps, elle me faisait pleurer. Non, sa vie imparfaite ne devrait pas être une raison pour se morfondre dans l'alcool. Notre présence devrait lui suffire pour être heureuse, mais non. Apparemment, ce n'était pas suffisant. Je crois que c'est ce qui me fait le plus de peine dans tout ça. Que je n'arriverais jamais à la changer, peu importe ce que je lui dis. Malgré ça, je reste à ses côtés, car le matin, elle a tout oublié de la veille et je fais comme si c'était le cas pour moi aussi. Je vois la mère que j'ai adorée, celle qui se trouve être ma meilleure amie. Et ça, jusqu'à ce qu'elle retourne au boulot et revient bourrée, accompagné du premier loser qu'elle a trouvé au bar. Ça coûte moins cher qu'un taxi. Dans ces situations, je m'isole dans ma chambre ou je vais rejoindre mon frère dans la sienne (lorsqu'il y est). Sa présence me réconforte. Savoir que je ne vis pas ce cauchemar seul. Et bien, maintenant, c'est le cas. « She's holding you back, Eden. Get out of there before it's too late. » Ces derniers mots avant que je raccroche le combiné. Ses paroles me hantent, tandis que je regarde son oreiller, toujours intact.

Brandon avait raison, il a toujours raison. J'ai vingt-neuf ans et je suis au même stade que j'étais après avoir terminé le lycée. L'université était pour moi un rêve, rêve abandonné pour subvenir à mes besoins et ceux de ma mère. Cette dernière avait dû mal à payer le loyer, j'ai dû me mettre à bosser temps plein pour qu'on puisse avoir un toit sur la tête. À certains moments, j'ai eu espoir qu'elle allait changer. Quelques jours sans prendre un verre me suffisait pour y croire, mais non. Une semaine plus tard, je la retrouvais couchée sur le divan, immobile. La frayeur qu'elle me faisait à chaque fois, mais au fil du temps, je m'y suis habitué. Du moins, je m'y faisais. En même temps, ce n'est pas comme si j'avais le choix. Cela fait deux ans que nous avons appris pour son cancer du foie. Au début, elle semblait s'en moquer. Buvant pour oublier, sans prendre conscience que le problème venait de là. Enfin, elle a tout de même réussie à comprendre et accepter l'aide qu'on lui offrait. Je ne lui ai pas laissé le choix. C'était sa bouteille ou moi ? J'ai vu l'hésitation dans ses yeux avant de voir les larmes dévaler sur ses joues. Elle m'empêche d'en parler à mon frère, de sa maladie, car elle ne veut pas qu'il revienne par pitié. À Londres depuis décembre passé, elle fait des efforts pour moi, pour nous. Trop tard ? Peut-être, mais au moins, elle le fait. Ça me tue de voir qu'il ne lui laisse pas de chance. Après tout, elle reste notre mère peu importe ce qu'elle a pu nous faire subir. Pourtant, il n'en veut pas à notre père qui préfère la compagnie de sa nouvelle famille à la nôtre, contrairement à elle qui est resté avec nous, qui nous a élevé. Pour comprendre, faut se mettre à sa place.