(f - libre) ▪ tell me lies in fifty shades

Respirer. Creuser le fossé rongeant son thorax dans l’espoir de le remplir dans l’idée folle qu’à force de percer ses poumons il finirait par ne plus se vider. Dans l’espoir insensé qu’en continuant à boire la tasse il allait apprendre à nager. La gorge asséchée comme du papier de verre, la bouche vaseuse, il sentait  le feu dans ses veines s’éteindre alors que l’ichor dans son système lui échappait. La poudreuse avait fini par se dissiper et quelqu’un avait dû le ramener à sa demeure, sans quoi le satin de ses draps ne caresserait pas sa silhouette dévêtue. A ses tempes les tambours de guerre grondaient comme le tonnerre déchirant le ciel par intermittence. Malgré le sommeil clouant ses paupières, Levi pouvait sentir son cœur battre à toute allure, les visions d’autrefois brûlant à sa mémoire les filaments désunis d’une conscience ne tenant déjà qu’à un fil. Il ne restait rien de ses camarades de combat, ses frères d’armes, ses frères d’âmes. Les balles avaient percées la chair, tatouant à même l’étoffe trop mince de leur être une destinée qu’aucun ne saurait porter. Se retournant dans son sommeil, les gémissements à ses lèvres ne demandant qu’à être entendu, rien n’y faisait, Levi était seul, inlassablement seul. Depuis sa plus tendre jeunesse le gamin savait qu’il ne pouvait en être autrement pour un héritier de ce nom marqué au fer blanc à la même de chaque membre de la famille Fitzroy. Ils avaient passés leur éternité à l’ombre des grands, des trop grands, pourtant toujours en pleine lumière. Bien que translucides, ils étaient fait pour briller, prospérer à l’ombre de leurs décisions fructueuses et de leurs entreprises fastueuses. Ils étaient fait pour l’aventure, fait pour la richesse. Bien loin de cette normalité qui colle à la peau, cette médiocrité dont tant se repaisse à défait de pouvoir aspirer à mieux, il y avait cru Levi. Il avait cru que la paix pouvait se trouver en faisant la guerre. Cru qu’il trouverait l’honneur au feu d’une guerre sans front. Le regard vide, les prunelles pales, le réveil avait été brutal, comme toujours. Ses muscles étaient endoloris par la nuit précédente, la rencontre de son poing droit avec le nez du videur n’ayant pas oublié le craquement sinistre qu’il avait émis. Un soupire sans vie s’échappa des lèvres de l’homme peinant à sortir son cœur du lit. Tendant sa main  droite vers sa table de nuit, il récupéra son paquet de cigarette ainsi que son briquet avant de s’allumer une clope sans même réfléchir. Créature faite d’habitude, humanoïde auquel on avait dérobé l’âme, il ne se rendit pas immédiatement compte de la forme installée sur l’autre moitié du lit. Alerté par les mouvements ensommeillés de cette dernière, il posa ses prunelles trop grandes, trop vide pour un homme de son âge, sur l’individu ayant partagé ses doigts sans un mot. Dans un instant qui lui apparut plus longue que toutes ses années mises les unes à la suite des autres, il contempla le regard sans fond de la jeune femme au sourire assoupi. Avec un sérieux glacé, il la jaugea de bas en haut, s’étonnant de la voir encore vêtue alors qu’elle avait passé la nuit-là de toute évidence. « We fucked ? » Sa voix était rocailleuse, encore ombragée par la fumée ayant emplie ses poumons jusqu’au trop plein, encore usé par les heures passées à crier pour rien, pour tout, pour n’importe quoi. Il sentait ses cordes vocales agonisées alors que son corps déshydraté ne demandait qu’à ce qu’il se repose et boive de nombreux litres. Il ne le ferait pas. Il ne le faisait jamais. Se contentant d’endurer la souffrance, attendant qu’elle le prenne et l’emmène pour de bon. « You were too fucked up for that. » « Even on the verge of death I’m sure I could get a hard on. » « I’m sure you could have, but it was not what you wanted. » Détournant son regard de la Mona Lisa alanguie au milieu de ses draps, il haussa ses épaules avant de sortir du lit dévêtu presque à l’indécence et de se diriger vers la porte de sa chambre aux allures de suite. « If you’re not here to fuck, I’m sure you can find the way out by yourself. » La clope coincée entre ses lèvres, la fumée perdue dans ses yeux lui donnait l’impression d’avoir quelque chose de coincé au fond de la gorge. Quelque chose comme une émotion, une sensation qu’il n’avait plus eu depuis longtemps. Sans demander son reste, récupérant ses affaires avec une lenteur mesurée et la prestance de quelqu’un n’ayant pas peur d’exister, elle se rhabilla avant de l’approcher telle une prédatrice. Posant une main sur le torse nu de Levi, cette vision de grâce lui offrit une grimace assurée avant de dire : « I kind of like you, even if you’re kind of grumpy. »