i'm reaching out to you (leine)

I don't need suggestions on how to start anew
In the lonely hour, I need you

« Andry! arrête de rêvasser! » la voix cinglante de sa supérieure sortit en une seconde le jeune homme de ses pensées. Il grimaça un instant face aux propos de celle qui était à la tête de la gestion du restaurant. Andry continuait alors, sans rien à dire, à essuyer les verres au comptoir. Il était à présent tard le soir et la cuisine était fermée, le Koh était alors passé de serveur à bartender puisque après une certaine heure, le Corsuik House se transformait exclusivement en lounge. La salle était presque vide, il n'y avait que deux trois couples et des personne solitaires qui sirotaient leur boisson sous la musique d'ambiance. Andry regardait ensuite l'heure sur sa montre et n'avait qu'une seule hâte, terminer son service et rentrer. Son travail ici ne le déplaisait pas, loin de là. Au fil du temps,  il avait fini par parfaitement emmagasiner les secrets du métier et était parvenu à se faire une place ici. Il aimait réellement venir au Corsuik House, travailler, interagir avec les clients, les amadouer pour un chouïa de pourboire, discuter avec ses collègues. Si pour beaucoup le lieu de travail était une pénitence, pour le jeune homme il en était tout autre. C'est ici qu'il se vidait les esprits et parvenait à oublier ses tracas puisqu'il était constamment occupé. Les jours où il ne travaillait pas étaient les jours les plus vides. En réalité, il ne fallait pas se mentir, la vie d'Andry n'était pas particulièrement palpitante. Lorsqu'il se pencha pour ramasser la bouteille vide posée au sol, la chaîne avec sa bague sortit de sa chemise. Effaré, Andry se releva d'un bond pour la remettre à l'abris des regards de ses collègues. Cette fameuse bague était tout à fait ce qu'elle était, une alliance. Une alliance qui allait de paire avec celle que possédait Leine. Il ne savait guère comment cela était arrivé mais le lendemain de leur dernière nuit à Las Vegas - où ils s'étaient rendus avec leur groupe d'amis -, ils s'étaient tous les deux réveillés mari et femme. Un choc pour les deux jeunes qui pris de court, avaient juste eu le temps de se dire qu'ils "en discuteraient plus tard". Seulement vous vous en doutez, quelques jours plus tard, après s'être évités comme la peste, les deux tourtereaux n'avaient toujours pas eu de réelle conversation. Par leur attitude quelque peu anodine, leurs amis en avaient conclu qu'ils avaient passé la nuit ensemble ; une idée qu'ils préféraient laisser courir afin que la vérité ne soit exposée.  Cela aurait pu être simple à régler mais ni Andry ni Leine n'était simple. Ils auraient pu tout simplement annuler ce mariage mais quelque chose les retenait. Cependant, ils n'arrivaient pas à se dire quoi. Après tout, Andry avait toujours été persuadé que ses sentiments pour la belle n'étaient qu'à sens unique. Les gens disent que l'alcool fait dire la vérité... du coup, que lui avait-il dit pour qu'elle accepte d'avoir la bague au doigt? Mille questions se mélangeaient dans la tête du serveur et il savait qu'il n'aurait pas de réponse avant que Leine et lui n'aient une réelle conversation.  Andry avait fini par revenir à ses profondes pensées lorsque quelqu'un s'installa au comptoir, en face de lui.  « Je suis à vous dans une- » commença-t-il avant de s'arrêter. Lorsqu'il leva la tête, il trouva le regard de Leine dans le sien.  « ... minute » Andry se racla la gorge, reprit ses esprits et tenta d'agir le plus calmement possible.  « Hey ... » aaaah, non, il ne fallait pas qu'un silence s'installe!  « Tu vas bien? tu veux quelque chose à boire? tu aurais du me dire que tu venais j'aurai essayé de terminer plus tôt » dit-il calmement avec un léger sourire. Il ne savait pas, il ne savait pas si Leine lui en voulait, ce qu'elle ressentait, il espérait juste qu'il n'y aurait pas de malaise entre eux. Trop tard peut-être. Une chose était sure, elle n'était pas venue pour qu'ils évitent encore une fois le sujet du dit mariage.  

On recommence. La musique s'élève comme une bulle légère qui perdure. Elle s'impose d'abord aux quatre murs de la salle d'entrainement, puis enivre l'atmosphère avant tes sens. La respiration est régulière et les muscles se détendent doucement. L'esprit est libre de toutes pensées et tu concentres sur l'unique dynamique de la chanson dont les paroles sont vecteurs d'un message. Le dialogue cesse, le corps devient le moyen d'expression. Il compose avec des mouvements doux et infimes puis prennent de plus en plus d'aisance. La fluidité de l'enchainement est on en parfaite symbiose et en accord avec la composition dont tu connais le morceau par cœur. Seulement pour être en parfaite osmose, pour être complète tu dois également l'être avec toi-même. Et tu sais que ce n'est pas réellement le cas, l'apparence que tu dépeins n'est qu'une image, une illusion pour donner le change que tout va bien. Hors ta conscience prend un malin plaisir à te rappeler des bribes flous d'un week end qui a tout chamboulé, qui a tout fait basculé. Les simplicités d''hier deviennent des difficultés d'aujourd'hui. Les rires spontanés deviennent des rires forcés pour masquer une situation qui à toi comme à ton meilleur ami d'enfance devient pesante. Le rythme de la musique se cadence davantage et une certaine colère avec elle. Tu perds en concentration, ta maitrise te dépasse totalement. Tu t'abimes dans une chorégraphie n'a plus aucun sens que celle d'une histoire qui est la tienne et non plus celle dont tu tiens le rôle. Une dernière figure, une dernière prouesse avant que seul ton souffle court ne soit le seul son au sein de la pièce. Tu tombes assise sur le parquet, les mains sur les hanches pour reprendre ta respiration. Plus tu y songes, plus cela prend des proportions énormes. L'un comme l'autre vous vous évitiez, inventant des excuses pour ne plus vous retrouver au même endroit au même moment. Vos amis communs mettaient cela sur le compte sur la nuit que vous aviez passés ensemble mais ils ignoraient une grande partie de l'histoire. L'un de vous deviez prendre les devants, mettre les choses à plats. On recommence. Ta raison – cette partie rationnelle de ton être – te pousse à reprendre le chemin des répétition, mais l'égoïsme – une autre partie de toi-même que tu ne laisses jamais s'exprimer – se veut plus prononcé. Et c'est elle qui remporte le duel. Une bonne demi-heure et une douche plus tard, tu quittes le studio de danse, tentant de joindre Andry mais à chaque fois tu tombes sur sa messagerie vocale. Tu jures entre tes dents avant te prendre le chemin du restaurant où le jeune homme travaille. Puisqu'il ne répond pas, autant prendre le taureau par les cornes. Tes cheveux rassemblés en une tresse sur le coté sont encore humide mais avec le chemin en vélo, c'est un bien être plus qu'un bienvenu. Ton frère te reprochait souvent ton coté obtus. Il prétendait que tu t'encombrais l'existence alors que tu pourrais utiliser ta voiture qui siégeait toujours sur la parking souterrain de ton immeuble. Tu t'entêtais, c'est ainsi et c'est sans doute cela qui te permettait de pédaler en direction de ta prochaine destination. Il ne te fallait pas longtemps pour rejoindre le quartier où était situé Corsuik House, dix minutes peut être à tout cassé. Descendant de ton vélo, tu accroches ce dernier à ton cadenas avant de pousser les portes du restaurant quelque peu surprise de le découvrir aussi vide. Rajustant la bandoulière de ton sac de sport en travers de ton épaule, tu te diriges vers le comptoir et t'apprêtes à demander à savoir si Andry est là lorsque la voix du concerné retenti. « Je suis à vous dans une- ». Bon au moins il travaillait mais sa surprise de te retrouver en face à face est totale. « ... minute ». Oui très clairement il ne s'attendait aucunement à te voir là. Il semble ravaler un chat dans sa gorge ce qui accentue sa gêne. Dire qu'entre vous il n'y a jamais eu de malaise quelconque, là c'est une première. « Hey ... ». Puis le blanc à la place du noir. Jamais il n'y aurait de noir entre vous, c'était impossible. Du moins tu l'espérais, trop peut être. Tu lui adresses un sourire sincère et quelque peu timide pour la première fois. « Salut ... ». « Tu vas bien? tu veux quelque chose à boire? tu aurais du me dire que tu venais j'aurai essayé de terminer plus tôt ». Te dit-il avec un sourire à son tour. Tu poses un coude sur le rebord du comptoir avant d'hocher lentement la tête même si tu ignores pourquoi. Un geste pour masquer une certaine angoisse peut être. « Euh oui ça va, a dire vrai j'ai essayé de t'appeler mais tu ne répondais pas. J'aurai dû le savoir, dans la précipitation j'ai pas pensé plus loin que ma réflexion c'est bête ... ». Et surtout cela ne te ressemble pas de ne pas prévoir, toi qui voit toujours plus loin que le bout de ton nez. Et cela ne te ressemble pas d'être aussi bavarde sautant du coq à l'âne. « C'est pas grave … on peut se voir plus tard, envoie moi un sms ok ? ». Idiote au possible, Leine impossible. Tu recules d'un pas avant de te retourner pour quitter le restaurant. Une résolution et la tentative tombe à l'eau.