they say that time's supposed to heal you. (billie)

Il a mal. Physiquement. Psychiquement. Il crève de douleur. Plus rien ne va dans sa vie, depuis que Charlie est parti. C'est comme si son meilleur ami avait emporté, avec lui, tout ce à quoi Dean tenait. À commencer par sa joie de vivre. Envolée. Il l'a perdue au moment où on lui a annoncé que le soldat Baker n'avait pas survécu. Puis, le combat est devenu sa vie. Comme si chaque fois qu'on l'envoyait au front, on lui donnait une chance de venger la mort de son meilleur ami. Et cet esprit de vengeance l'a rendu vil, minable. Un égoïste. Il a perdu de vue ses priorités pour laisser place à cette unique obsession: tuer ceux qui l'ont tué intérieurement. Son mariage n'a pas survécu. Il se rappelle de ce jour, où il est rentré. Après la mort de Charlie. Sur son corps, les marques de ce terrible accident. Pourtant, ce n'est pas ce qui le préoccupait. Comment allait-il pouvoir affronter le regard de Billie ? Comment allait-il pouvoir se faire pardonner d'avoir envoyé son frère jumeau tout droit vers le cimetière ? Il n'a pas su. Il n'a pas su la regarder. Il n'a pas su lever les yeux et lire toute la tristesse sur le visage de sa merveilleuse épouse. Il a tué son frère. Et, il s'en veut encore aujourd'hui de ne pas avoir été celui dont le cœur s'est arrêté de battre. Elle l'aurait certainement moins mal vécu. Cela fait des années maintenant. Billie et lui ont fini par divorcer. Leur rêve de fonder une famille n'a jamais pu voir le jour. Il est l'unique fautif, il en est conscient. Depuis cette sombre histoire, bien du temps est passé. Il a entendu dire que Billie s'était envolé vers les États-Unis. Elle a certainement dû refaire sa vie. C'est tout du moins ce qu'il lui souhaite, même si une part de lui aurait préféré qu'elle ne le quitte jamais. Aujourd'hui, en convalescence, il n'a plus rien. Plus personne qui l'attende à la maison. Plus de mission. Plus de but réel. Il a pensé à la mort. Il y a songé plus d'une fois. Pourtant, un espoir demeure en lui. Celui de se réveiller un jour et de se rendre compte que tout cela n'était qu'un mauvais rêve. Qu'il n'est pas l'imbécile qui a encouragé Charlie. Qu'il n'est pas l'époux qui a fait vivre un enfer à sa femme. Qu'il n'est plus ce Dean, tout simplement. Ce Dean qu'il déteste par-dessus tout. Depuis qu'il est revenu, il ne sort plus. Cloitré dans sa maison, il n'est plus que l'ombre de lui-même. Pourtant, ce matin, il a décidé d'abandonner son canapé. Il a mis le nez dehors, aidé de sa béquille, et s'est dirigé vers la station de bus. Il a rejoint la rue commerçante et s'est promené. Ce matin, Dean a fait ce que la plupart des gens font. Il a abandonné, le temps de quelques heures, sa vie de zombie. Et alors qu'il déambule dans la rue, un écriteau retient son attention. Billie's Cupcakes. Il s'est aussitôt souvenu de sa belle Billie et de son don pour la cuisine. Un sourire béat sur le visage, il se rapproche du petit commerce. La jeune femme est la plus belle chose qu'il lui soit jamais arrivé. Alors, si croquer dans un cupcake peut lui rappeler, le temps d'un instant, sa vie avec elle, c'est sans aucune hésitation qu'il le fait. Il pousse la porte et son visage se décompose quand il arrive à la caisse. Jamais, au grand jamais, il n'aurait pu imaginer que derrière Billie's Cupcakes se cachait réellement sa Billie. Il la pensait sur un autre continent et voila qu'elle est là, devant lui, en chair et en os.

they say that time's supposed to heal you     

Les yeux rivés au plafond. Tu réfléchis. Tes pensées ne cesse de faire des retours en arrière. Tu te rappelles les réveils auprès de Dean. C'est alors que ton regard dévie sur l'oreiller inoccupé. Un frisson te parcours. Tu sers les dents. Tu soupires. Tu as beau te répéter que tu as fait le bon choix. Que votre couple n'avait plus d'avenir. Que vous aviez vécu le pire et que vous n'aviez pu le surmonter. Mais malgré tous les événements ce qui trône sur ta table de nuit c'est un cadre de vous trois... Trois... tes pensées voguent alors de nouveau dans le passé, plus profondément jusqu'à ton adolescence. Jusqu'à ce que tu retrouve un Charlie, un jumeau innocent. N'ayant pas des idées de conquérant dans la tête. Tu fermes les yeux. Te remémores tous les bons souvenirs. Effaçant le cours d'un instant les mauvais. Tu sais pertinemment qu'ils vont revenir au galop et c'est pour cette raison que tu décides de te lever. D'affronter ta journée. Tu te diriges dans la salle de bains. Croise ton reflet. Un sourire se révèle. Faible, mais bien présent. Tu files à la douche. L'eau coulant sur ta peau, te permets de te vider la tête. De ne plus penser à rien le temps de quelques minutes. Car lorsque tu sors de l'habitacle, tu entends ton frère. A l'écoute tu te doute qu'il est dans la cuisine. Tu te dépêche alors. Lorsque tu pénètres dans la pièce tu remarque qu'il a déjà fini son petit-déjeuner. "J'aurais pu te faire des pancakes... je sais que..." "C'est Charlie qui aimait ça! Allez à ce soir!" dit-il avant de sortir de la pièce. Te bousculant l'épaule. Tu ne réagis pas. Reste stoïque et avale sa remarque. Tu ne peux lui en vouloir ou alors ne désire pas... Tu as déjà perdu un frère... et tu dois te rattraper avec l'autre. Rebondir... quoi qu'il arrive. Tu as toujours eu ce courage de vouloir remonter la pente tant bien même tu en payais le prix... Pour le bien de tous en oubliant le tien. Tu n'as jamais évoqué tes problèmes, jamais voulu étaler tes malheurs... et après coup tu réalises que tu t'es bien isolé... Toi qui avant était si sociable... Tu restes quelques secondes à fixer ta cuisine. Avant de reprendre du poil de la bête. De te motiver en te disant que cela n'est qu'un accrochage de plus avec Mike. Tu te prépares un thé. Le bois en une dizaine de minutes, puis tu passes un dernier coup dans la salle de bains avant de partir au travail. Pour y accéder tu décides d'opter pour le vélo. Parce que les quartiers, l'odeur t'ont terriblement manqué. A chaque coin de rue tu crois voir ton frère ou Dean. Tu as beau dire que tu as fait ton deuil, que tu es passé à autre chose, tu sais pertinemment que tu mens. Heureusement ton entourage à l'air de te croire. Tu réalise qu'avec le temps, les mensonges, la comédie sont devenues tes maîtres mots. Ton quotidien. Tu ne peux le changer, ne le désire pas. Car ce serait affronter la réalité et seule... ça n'en vaut pas la peine. Tu accèdes à ta boutique. Ton bébé. Un sourire s'esquisse alors sur ton visage. Tu es fière de ce que tu as accompli. ça doit être d'ailleurs ta seule fierté depuis longtemps. Tu ouvres la porte. File en cuisine et passe bien deux heures pour confectionner tes cupcakes du jour. Proche de l'ouverture tu repars dans la boutique principale et dispose tes pâtisseries. Te rapproche de la porte principale et change le panneau Close pour Open. Tu déposes ton tablier dans la cuisine. Te prépare un thé et te dirige en direction du comptoir pour regarder dans l'agenda de la boutique si commande il y a. La bouilloire t'annonce que l'eau est prête. Tu pars chercher ta tasse dans la cuisine. Dépose ton sachet de thé, attrape la bouilloire et fait couler l'eau. Tu entends alors la cloche sonner. Premier client de la journée. Un sourire s'étire alors sur ton visage. Un sourire commercial. Que de l'artifice. Pour faire bon genre. On te commande quatre cupcakes. Tes spécialités. Les cupcakes guiness/chocolat au glaçage bacon/sirop d’érable. Tu remercie la cliente. Avant de partir elle jette un coup d'oeil sur le tableau derrière toi. "ce visage m'est familier." dit-elle en pointant du doigt le portrait. Tu jettes alors un coup d'oeil. "Oui... c'est Charlie Baker. Il a habité ici." "Baker... mais oui... oh... vous êtes..." "Billie. Sa soeur." "Mes condoléances... C'était un très bel homme." "Et très bon. L'un des meilleurs." dis-tu avec une certaine émotion. Avant de te reprendre et de la saluer. Tu prends une grande inspiration, reprends le cours de ta journée. La porte sonne de nouveau, étant en plein remplacement de vitrine, tu as alors ce besoin de relever la tête pour découvrir ton nouveau client... qui n'était autre que Dean. Dean, ton ex-mari. Ton premier amour. L'homme qui t'a fait chavirer. L'homme que tu n'as plus compris. L'homme qui a vu pour la dernière fois ton frère. "Bonjour." dis-tu faiblement. Tu remarques alors qu'il a une béquille. L'inquiétude te gagne. Tu te sépare de ton comptoir et te rapproches de lui. "Tu y es retourné?" Ta voix se casse. Tu vas pour lui toucher le bras, mais te reprends à la dernière minute. Tu n'as plus le droit de faire. Tu dois te reprendre. Tu croise alors son regard et recule de quelques pas. "Désolée... Je n'ai pas le droit de... un cupcake?" dis-tu en essayant de détourner la situation.